Depuis quelque temps, je rencontre des gens qui semblent de plus en plus désabusés. Des gens qui sont conscients de l’importance d’agir face à l’urgence climatique. Des gens qui ne se reconnaissent pas dans le discours véhiculé par nos « leaders » régionaux. Des gens qui ont une sensibilité, des valeurs, des rêves, des aspirations et surtout des préoccupations.

Des gens qui ne signeront jamais pour faire partie du mouvement « je crois en ma région » et qui pourtant croient profondément en leur région. Des gens qui ne se reconnaissent pas dans cette vision qu’on essaie de nous vendre, à grand coup de publicités, d’ambassadeurs et de porte-paroles. Une vision où la seule option passe à tout prix par le développement industriel… à n’importe quel prix !

Des gens qui sont souvent au bord du déracinement tant ils n’arrivent plus à trouver ici un sol fertile pour pouvoir vivre, se développer et se reproduire. Des gens racinés profond et d’autres qui essaient tant bien que mal de s’enraciner.

L’année dernière, comme coordonnateur du Hub Saguenay Lac-Saint-Jean, j’ai eu la chance de me promener aux quatre coins de la région et de discuter avec des dizaines d’intervenants.  J’ai eu la chance de les entendre parler de leur vision du développement de leur MRC, de les voir travailler sur des chantiers pour réaliser cette vision.

J’ai donc vu de très nombreuses visions, de nombreux chantiers et des projets se coconstruire ; de petits et de moyens projets, réalistes, à dimension humaine et respectueux du territoire et des valeurs des gens qui l’habitent.

Ces nombreuses rencontres m’ont permis de constater une chose; chacune de nos MRC a sa propre vision de son développement et présentement il n’existe aucune vision d’avenir qui fasse consensus au Saguenay Lac-Saint-Jean. Et pourtant, j’ai la désagréable impression que certaines personnes s’acharnent à nous vendre une certaine vision de la région qui ne correspond pas aux valeurs d’une grande partie de la population.

Et si ce jeu extrêmement dangereux, auquel nous jouons depuis déjà trop longtemps, expliquait en partie la dévitalisation qui nous subissons inexorablement depuis de nombreuses années ? 

L’enracinement c’est fragile. Ça prend un sol fertile et des conditions favorables pour pouvoir se développer. Tout le monde s’entend pour dire que la région est riche en potentiel. Alors, comment expliquer qu’avec une université, quatre collèges, des CCTT, des centres de recherches etc., nous en soyons encore à attendre après des investisseurs étrangers pour venir nous sauver et développer notre région. Notre incapacité à prendre en main notre développement se reflète même dans ce double discours proposé par les gens du mouvement « je crois en ma région », qui demandent aux autres régions de respecter nos forces distinctives, tout en réclamant ce qui nous est dû.

En tout cas, moi j’ai l’impression quand j’entends ça, d’entendre mon ado, mais comme il n’a que 15 ans, je peux comprendre. La région, elle, elle a plus de 150 ans.

Alors je me pose des questions, de nombreuses questions (je sais, trop de questions).

  • Et si nous étions les Tanguy du Québec ?
  • Avons-nous réellement besoin de ces investissements étrangers ou serions-nous capables de prendre une fois pour toutes notre développement en main ?
  • De quel développement économique avons-nous réellement besoin ?
  • Le développement social a-t-il plus de valeur que le développement
    économique ?
  • Sommes-nous capables de reconnaître la même valeur à un projet porté par des gens d’ici ?
  • Un « grand projet » qui nous divise a-t-il autant de valeur que 2 ou 3 moyens projets qui nous ressemblent et surtout nous rassemblent ?
  • C’est quoi un « grand projet » en 2020 ?
  • Etc.

Mais les principales questions sont ; quelles sont nos valeurs et à quoi attribuons-nous de la valeur ?

Je me rends compte en écrivant ces mots que j’avais choisi comme titre d’un billet précédent « réconcilions nos valeurs », mais ces fameuses valeurs quelles sont-elles ? Sont-elles les mêmes chez les hommes et chez les femmes ? Chez les gens qui habitent Dolbeau et chez ceux qui habitent Saguenay ? Chez les jeunes et chez plus vieux ?

Cela paraît simple comme question. Et pourtant, c’est la base si nous voulons arriver à mettre en place une réelle diversification dans la région, qui tient compte des aspirations d’une majorité de la population.

L’an passé, j’ai eu la chance d’assister à une présentation de la mairesse de lac Mégantic. Elle expliquait qu’avant de reconstruire le centre-ville, avec l’argent accordé par le gouvernement à la suite du déraillement du train, ils avaient fait un sondage pour connaître les valeurs qui animaient les citoyens de la municipalité (l’environnement est arrivé en premier). À partir de là, ils ont développé un projet à leur image et qui tenait compte de leurs besoins. Un projet qui comportait des éléments tels que des bâtiments répondants aux standards Leed, un projet de micro-réseau électrique unique au Québec piloté par Hydro-Québec etc.

Alors la semaine dernière, j’ai lancé l’idée à un homme que je respecte et qui dirige un des médias régionaux, de faire un sondage sur les valeurs des gens du Saguenay Lac-Saint-Jean. Nous pourrions en avoir le cœur net une fois pour toutes et cela nous aiderait peut-être à mieux orienter notre développement.

Qui sait, peut-être pourrions-nous même arriver à avoir plus de succès au niveau de l’enracinement…

À suivre !

P.-S.- Le projet de coop avance bien, je vous en parle dans mon prochain billet.

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